Le rapport Colin-Collin a été commandé par l’Etat pour réfléchir à de nouveaux modes de taxation des géants du e-commerce. Ces derniers – qui font des records de chiffre d’affaires en France – échappent pour une large part à l’impôt français. Cette situation appelle une profonde remise en cause de la fiscalité actuelle, principalement basée sur la notion de frontière.
Adapter la réalité fiscale aux enjeux du numérique
Remis le 18 janvier 2013, le rapport Colin-Collin vise à adapter les règles internationales de l’imposition des bénéfices aux réalités de l’économie numérique, notamment en faisant évoluer la définition de l’« établissement stable ». En parallèle, il œuvre pour la création de règles fiscales spécifiquement conçues pour le e-commerce et les activités digitales dans leur ensemble.
Une idée simple : appliquer le droit français !
Nous vous invitons à lire le rapport Colin-Collin en le téléchargeant dans notre boîte à outils. A sa lecture, on comprend que l’idée générale est de revenir sur le principe d’assujettissement à la fiscalité du lieu de production, du lieu du serveur ou du datacenter.
En d’autres termes, le rapport Colin-Collin plaide en faveur de l’application de la fiscalité du lieu d’interaction avec l’utilisateur final. Ainsi, un internaute français qui visiterait un site – même étranger – se verrait appliquer la loi fiscale française. Un moyen d’en finir avec les difficultés juridiques posées par le commerce électronique. Mais la solution est-elle si simple ?
Une mise en oeuvre plus complexe : la fiscalité sur les données personnelles
Le problème du système fiscal international est qu’il repose entièrement sur des conventions bilatérales, autrement dit des accords entre les différents pays. De ce fait, la position du rapport Colin-Collin appelle des négociations afin de mettre en place une harmonisation fiscale au niveau international.
Pour contourner le problème, les auteurs du rapport proposent de créer une taxe assise sur les données personnelles traitées par les entreprises de e-commerce. Cette solution ambitieuse appelle cependant une concertation internationale ainsi qu’une réflexion approfondie sur la valorisation des données personnelles. Ce dernier point est délicat car l’impôt, de manière classique, doit être proportionnel aux richesses créées : or comment évaluer de telles richesses à partir des seules données personnelles ? Difficile de répondre à cette question.
D’où une idée complémentaire : moduler la taxe sur la collecte des données personnelles en fonction de la stratégie de restitution de ces données et de leur degré de ré-utilisabilité.
Au final, le mécanisme serait incitatif et permettrait de lutter en faveur de la protection des libertés individuelles par la maîtrise des données personnelles : « faire des données une matière imposable ne peut avoir pour finalité que d’inciter les redevables à adopter un comportement conforme à des objectifs d’intérêt général. » (page 131 du rapport).
Un mécanisme inspiré de la taxe carbone…
La taxe sur les données personnelles traitées par les entreprises de e-commerce reprendrait finalement le principe de la taxe carbone :
« il s’agit d’instituer une fiscalité spécifique du type de la taxe générale sur les activités polluantes ou de la taxe carbone. Mais au lieu de s’appliquer aux émissions de gaz à effet de serre, cette fiscalité s’appliquerait aux pratiques de collecte, de gestion et d’exploitation commerciale de données personnelles issues d’utilisateurs localisés en France. Sa logique viserait à décourager par la taxation des pratiques « non-conformes » aux objectifs poursuivis et au contraire à encourager, par une réduction de l’imposition ou une exemption, les pratiques « conformes » à ces objectifs. »
La piste envisagée par le rapport Colin-Collin est intéressante car elle répond à la nécessité de trouver des réponses fiscales aux enjeux du numérique tout en préservant l’innovation dans le secteur du e-commerce. Reste à voir quelles seront les traductions concrètes de ce projet…